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Djurdjura Club de Boghni

Paganisme berbére

24 Avril 2011 , Rédigé par dcboghni.over-blog.com

De nombreux dieux nous sont connus par l'épigraphie latine mais nous ne connaissons ni leurs attributions ni leur nature, les inscriptions se situent à Cherchel, près de l'Oued Marcouna, à proximité de l'Oued Tezzoulet, à Lamoricière, à Henchir Remdan en Tunisie, à Aïn Kebira. Peut-être ces divinités sont des rois Maures divinisés, ainsi Autiman associé à Mercure dans une inscription à Lambèse est comparé au Mastiman de Corippus et correspond pour certains au dieu de la guerre tandis que d'autres voyaient en lui le Jupiter Toenarius similaire au Jupiter Tartarius correspondant au Dis Severus de l'inscription latine. Des victimes humaines étaient immolées en son honneur en temps de peste. Aulisva était adoré dans la région de Tlemcen avec des inscriptions découvertes à Agadir et à 'Aïn Khial. Kautus Pates est mentionné à Khenchela et Kaub dans le Chetabba. Une inscription de Henchir Matkides nous apprend cinq dieux du pagus de Magifa, dont Masidenis, Tikikvae, Sugganis et Iesdanis qui possèdaient une statue chacun. L'inscription Iocoloni deo patrio à Sidi Yousof mentionne un Iocolo, cette dernière est une épithète de Deus patrius donnée à Baliddir ou Baldir dans les inscriptions de Guela'at bou Sba', à Sigus et une autre à Henchir el Bez. M.G.Mercier traduit iddir par «Le Dieu vivant» et d'autres rapprochent iddir du nom de Abbadiri Sancto dans l'inscription de Miliana, il fut ajouté dans les divinités puniques par Saint Augustin tandis que Priscie donne le nom d'Abbadia au bétyle avalé par Saturne. Iddir pourrait s'être créé sous l'influence de Rome et des peuples en auraient fait un grand dieu local, du moins en Mauritanie comme l'indiqueraient deux inscriptions, à savoir celle de Bougie dédiée à Numini Mauretaniae et genio Thermarum et celle de Aïn Kebira honorant Numini Maur. Selon les Espagnols, les Guanches vénéraient un dieu suprême et Viana rapporte que ce dieu se nommait Hucanech, Guayaxarax (de Achguoyaxiraxi «Le Conservateur du monde»), Acucanac, Menceito, Acoron, Acaman, Acuhurajan et tous signifiant «Tout-Puissant, Protecteur et Créateur de tout être, sans principe et sans fin, cause des causes». Les mots Acoron et Acaman signifient en berbère «Le Grand» et «Le Ciel». Toutefois, les Espagnols altérèrent les mots guanches. Ainsi, Achaman «Dieu suprême» est plus juste qu'Acaman et se rapproche du touareg aouelimmiden Aochina «Le Ciel», ce mot se rattache à la racine G N qui donne en zouaoua Thignouth «Nuage» et Igenni «Ciel» et dans d'autres dialectes se rapporte à Ajenna et Ijenni. Mais ces révélations de Viana sont sujettes à discussions. Pour Viera, le dieu serait appelé Eraoranhan (Eraorangan pour Galindo) sur l'île de Fer, il siègeait avec Aroreyba, la déesse des femmes, sur les deux rochers de Bentayga. Après leur conversion au Christianisme, les habitants de l'île de Fer nommèrent Jésus Eraoranhan et Marie fut appelée Moreybo. Selon Espinosa, le dieu suprême aurait créé l'homme et la femme de la terre et de l'eau, les troupeaux leur furent donnés pour les nourrir. Dieu leur dit de pratiquer l'élevage car il ne leur donnerait pas plus de bêtes pour manger. Dieu créa plusieurs classes de personnes, à savoir les Achicaxac les paysans qui sont la dernière classe, les nobles Achimencei et les chevaliers Cichiciquitzo.

D'autres divinités existent mais nous ignorons les noms indigènes mentionnés par les Grecs et les Romains que les Berbères empruntèrent ou assimilèrent à ces cultures. Hérodote dans son Histoire (L.II, ch.50) nous apprend que les Lybiens utilisèrent les premiers le nom de Poséidon. Ampélius dans son Liber memorialis (ch.IX) se réfère à un cinquième  Apollon né en Lybie. Selon Hérodote dans ses Histoires (L.IV, ch.180), Pomponius Mela dans son De situ orbis (L.I, ch.7) et Pausanias dans son Description de la Grèce (L.I, ch.IV), Athénê Tritogénis est née de Poséidon et de la Nymphe du lac Tritonis. Pour Hérodote, les Berbères vénèraient la déesse Athénê appelée Athéna par les Grecs par des rites paternels que les Vierges des Auses exécutaient.

Une inscription à Aïn Goulea en Tunisie et une autre à Henchir El Matria mentionnent un dragon Draconi Augusto. Peut être cet animal est à rapproché du culte des païens qui adoraient un serpent de bronze à tête dorée à Tipasa que sainte Salsa jeta à la mer, provoquant son supplice.

Le panthéon berbère s'est enrichi par la divinisation des rois. Une inscription latine est consacrée à Juba et au Génie Vanisuensis à Tassammert et Minucius Félix cite dans Octavius (ch.XXIII) : «Et Juba, Mauris volentibus, Deus est». À Bougie a été découvert un fragment d'inscription dédié au roi Ptolémée, fils de Juba, un autre morceau à Alger et un à Cherchel au Génie du roi Ptolémée. Les habitants de Thubursicum Numidarum (Khamissa) ont sacralisé Hiemsal, fils de Guda. Par ailleurs, les Berbères adoptaient les moeurs et les coutumes des peuples qui les conquéraient , ainsi les Berbères assimilaient les dieux de Rome après les divinités de Carthage, à savoir Jupiter, Junon, Pluton, Pallas, Vénus, Apollon, Diane, les Nymphes, Neptune, Mercure, Silvain, Bellone, Cérès, Hercule, Minerve, Mars, Esculape, les Dioscures, Tellus, Hygie, ect... mais aussi les divinités orientales, tels Mithra, Malgabel, Mater Magna, Jupiter Dolicheles, Jupiter Heliopolitanus, Isis, Sarapis.

Des demi-dieux sont recensés dans le panthéon berbère engendrant des légendes. La soeur de Ya'la ben Moh'ammed el ifreni accoucha vierge de son fils après s'être baignée dans une source d'eau chaude où s'abreuvent les animaux sauvages, la bave de ces bêtes fécondèrent la femme. L'enfant fut ainsi nommé Kelmârn ibn al Asad «Fils de Lion». Une autre légende rapporte la découverte du corps d'Antée qui mesurait 60 coudées, père de Sophax et ançêtre de Juba. Un autre géant assimilé par les Juifs et les Musulmans sous le nom Sidi Oucha' (Josué) serait enterré au bord de la mer chez les Beni Cha'ban dans la région de Nedromah.

Parmis les êtres fabuleux existent les génies nommés sous le nom arabe Chamârikh au XIème siècle de notre ère chez les Benou Oursifan. Les Chamârikh sont les ''démons familiers'' de cette ethnie. Les historiens arabes rapportent l'existence des ces génies familiers de la Kahinah, Dihya, fille de Tâbet de la tribu des Djeraouas. Ces démons lui annonçèrent la victoire finale sur les Arabes. Cette faculté prophétique nous est également rapportée par Procope dans De bello Vandalico (L.II, ch.8 ) quand les Maures usèrent de l'art de prédication des femmes lors de leur expédition de Bélisaire contre les Vandales. Au Xème siècle chez les Ghomara du Maroc, Tangrit, tante de Ha-Mim, et sa soeur Djadjou étaient des devineresses réputées. Toutefois, le don de prophétie étaient aussi accordé aux hommes berbères, tel le devin Feïlaq des Kotama. Les Berbères craignaient les ogres relativement présents dans les contes populaires. Chez les Fadhilah et les Benou'Aqidân à l'ouest de l'Egypte, la tradition prétendait que fréquemment le nouveau né féminin changeait de forme pour prendre celle d'un ogre, le Ghoul, ou d'une Si'lah pour se jeter sur les voyageurs. La plupart des noms désignant les ogres sont d'origine berbère, ils sont nommés Amza à Ouargla, Thamzat ou Tamzat au féminin qui dérive de la racine M Z «Saisir» ou «Prendre» chez les Beni Menacer, Aouaghzeniou chez les Zouaouas. L'ogresse se nomme aussi Taghouzant en chel'a du Tazeroualt et Tserial en zouaoua. Les termes arabes sont Ghoul ou Zellouma par exemple. Toutefois, dans les contes qui sont un mélange de traditions diverses, anciennes et tardives, les ogres sont nommés Djohala (en arabe «Ignorants»).

Les cultes rendus aux dieux sont presques inconnus concernant les divinités d'origine berbère car les Berbères assimilèrent les cérémonies des Phéniciens, des Romains et parfois des Grecs. Les Guanches se constituèrent leur propre culte sans être influencés par les étrangers du fait de leur isolement. Viana cite la caste des Harimaguadas chez les Guanches qui vivaient en commun, faisaient voeu temporaire de virginité, instruisaient les enfants, assistaient aux cérémonies de pluie et les hommes étaient interdits de les regarder. Leur demeure se nommait Tamogantin acoran «Maison de Dieu» traduit en berbère par Tigimmi tin amoqran. Une de leurs cérémonies était la consultation par le sommeil, ils se couchaient sur une tombe et la réponse leurs apparaissaient en songes, divination existante aussi chez les Nasamons.

Les principales fêtes berbères sont saisonnières symbolisant les principaux changements de l'année. Ces cérémonies s'adressent aux formes invisibles et se déroulent près des tombeaux des marabouts populaires. Les principales fêtes se nomment Ennaïr, Ansera la fête de l'eau, Achoura, ect...

Une tradition affirme que chez les Berbères Beni Geldîn et Fazânah de Tamerna entre Sabâb et les montagnes de Targhîn, les habitants traçaient un écrit qu'ils se communiquaient entre eux pour découvrir l'auteur d'un vol. Le voleur saisissant l'écrit était pris de tremblements, s'arrêtant lorsqu'il avouait. Une autre légende affirme qu'un homme nommé Ibn Kosyah «Le fils du petit manteau» vivait dans les montagnes des Medjeksa du Rif. Lorsqu'il retournait son manteau, ses adversaires et leurs bêtes périssaient quelques soient leur nombre. De nombreuses autres légendes usant de la magie sont recensées chez les Berbères. Les femmes berbères étaient réputées pour être de puissantes sorcières depuis l'Antiquité, Virgile fit consulter par Didon une prêtresse massylienne pour retenir Enée par sa magie dans Enéide (IV). De nos jours, les femmes du Jurjura usent d'incantations et de plantes, tels que l'id'mim (l'aubépine), thagounsa (les racines du palmier nain), thazouggarth (le jujubier sauvage ), azinba (le fruit des conifères), kerrouch (le chêne vert).

Les rites funéraires étaient élaborés, les Berbères enterraient leurs défunts dans de simple fosse surmontée de pierres au mausolée royale. La position du corps variait d'une ethnie à une autre, certains corps étaient étendus et d'autres les genoux ramenés au menton, symbolisant la position foetale. Les Berbères craignaient et respectaient leurs morts, ils pensaient que leur manquer de respect entraînaient le retour des morts sous la forme d'un mauvais esprit. Les rites funéraires étaient très ancrés dans la tradition berbère, ils ne furent pas influencés par les croyances étrangères. Les Berbères pensaient que les morts continuaient à vivre dans l'au-delà, ainsi de la nourriture, des armes et des poteries étaient déposées dans la sépulture. Des animaux étaient sacrifiés avant ou après l'enterrement. Pour éviter l'anéantissement du cadavre, des objets magiques, des bijoux de cuivre ou des colliers de coquillages paraient le corps du mort, puis après la décarnisation, le squelette était peint de couleur rouge, symbole de vie et de force. Les Berbères pratiquaient l'incubation pour communiquer avec les morts, ils priaient puis s'endormaient sur la tombe du défunt qui usait du rêve pour transmettre son message. Ce rite fut interdit par l'Islam et remplacé par l'istikhara, prière de demande par le rêve.

Toutefois, ce peuple fut à de nombreuses reprises conquis par des adversaires qui infuençèrent leurs convictions religieuses. Les Berbères restèrent païens ou se convertirent à l'islam, au Judaïsme ou au Christianisme.

source : René Basset, Revue de l'histoire des Religions (1910)

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