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Djurdjura Club de Boghni

Lamoricière: le «Titanic» de la Méditerranée

22 Mai 2011 , Rédigé par dcboghni.over-blog.com

Le 6 janvier 1942. À 17 heures, le paquebot Lamoricière quitte le port d'Alger pour Marseille. À son bord, 262 passagers et 120 hommes d'équipage……On ne le verra plus..

L'histoire. Depuis la publication de notre article consacré au naufrage du Lamoricière, les témoignages affluent à notre rédaction. Soixante-sept ans après le drame, les familles s'expriment:

Rarement un naufrage a autant fait parler de lui a posteriori. Depuis que l'épave du Lamoricière a été retrouvée en mai 2008 par des plongeurs italiens et espagnols, personne n'imaginait que cette découverte ferait resurgir intacts les souvenirs de ce drame. Visiblement, l'histoire avait refermé avec soin cet épisode douloureux qu'avait d'ailleurs décrit dans un de ses romans Édouard Peisson, l'écrivain et journaliste de la mer.

Depuis le dernier article que nous avons consacré à ce drame oublié qui fit 299 victimes, de nombreux témoignages nous ont été adressés provenant de familles de survivants et de disparus.

Le 9 janvier 1942, en plein régime de Vichy, alors que le Sud-Ouest est encore en zone libre, un paquebot de la Compagnie générale transatlantique effectue la ligne Alger-Marseille. A son bord, des fonctionnaires et militaires affectés en Afrique du Nord, des Pieds-noirs venus passer leurs vacances sur le continent, et puis des enfants rentrant de colos ou de séjours dans des familles d'accueil. Le navire quitte Alger malgré des conditions météo épouvantables. Il va affronter des vagues de 12 m de creux, un vent de force 9, alors que son moteur propulsé par du charbon de mauvaise qualité le rend impuissant face à une mer debout.

Le Lamoricière avait été modifié après que les Allemands eurent réquisitionné tout le fuel. Le bâtiment filait péniblement sept nœuds. Il devait, en plus, se tenir à l'écart des théâtres d'opérations au risque d'être torpillé.

Face à une mer démontée, alors que l'eau envahit les chaufferies, que le navire ne peut plus contrôler sa gîte, des embarcations sont lancées à l'eau. Des enfants disparaissent avec leurs mères, des infirmières et des matelots courageux parviennent à sauver quelques vies humaines. C'est cette histoire dans toute sa tragédie, qui nous est racontée.

Conférence le 15 septembre, à 18 heures, à a cinémathèque de Marseille, 31bis, boulevard d'Athènes.

«Les enfants devaient chanter "Maréchal nous voilà"»

Marc Lazèf à Alan (31).

Pendant la guerre, j'habitais rue Saint-Rome à Toulouse. Dans notre immeuble, se trouvait une assistante sociale qui avait conseillé à ma mère d'organiser un séjour pour moi en Algérie dans une famille d'accueil. Il s'agissait d'éviter d'éventuels bombardements sur Toulouse. Je suis donc parti là-bas. À la fin du séjour, je devais embarquer sur le Lamoricière pour rejoindre Marseille. Mais je m'entendais tellement bien avec cette famille que mes vacances algériennes ont été prolongées de trois mois. J'ai échappé ainsi à cette tragédie. Par la suite, j'en ai beaucoup entendu parler. Les Toulousains que je connaissais avaient été scandalisés parce qu'au moment du drame, alors qu'il fallait embarquer dans les canots, on avait fait chanter aux enfants « Maréchal nous voilà ! »

Chronologie

Le 6 janvier 1942. À 17 heures, le paquebot Lamoricière quitte le port d'Alger pour Marseille. À son bord, 262 passagers et 120 hommes d'équipage.

Le 7 janvier 1942. A 22 h 54, le Transat capte un SOS du Jumièges, un cargo en perdition au large de Minorque

Le 8 janvier. Le Lamoricière est pris à son tour dans la tourmente. L'eau s'infiltre dans les chaufferies partout. 17 h 10, c'est au tour du paquebot d'envoyer un message de détresse. Il devient ingouvernable et affiche une gîte impressionnante.

Le 9 janvier. Le navire n'est plus maître de sa manœuvre. On commence à le délester et à évacuer les passagers. Le Lamoricière sombre vers 12 heures.

Mai 2008. Le navire est retrouvé par 156 m de fond au large de Minorque par une équipe de plongeurs italiens et espagnols.

« Une mer déchaînée avec des vents de force 9 »

Maurice Cottenceau, capitaine de vaisseau, Agen (47).

« Professeur agrégé d'anglais à la retraite, j'ai servi dans la Marine, d'abord comme officier du contingent puis, pendant 35 ans, comme réserviste volontaire avec un grade de capitaine de vaisseau. Au cours de ma carrière, j'ai rencontré des témoins du drame. Ici, à Agen, il y avait Gérard Dupey devenu expert-comptable, qui fut matelot sur l'aviso L'Impétueuse dépêché de Toulon pour porter secours aux naufragés. Mais il arriva trop tard compte tenu de la distance. Gérard Dupey m'a décrit le spectacle de cette Méditerranée démontée, jonchée d'agrumes et de débris de toutes sortes. Seuls les paquebots Chanzy et Gueydon furent de quelque secours. On connaît les causes du naufrage. Certes, il y avait la mer déchaînée, mais surtout cette aberration technique qui faisait que le bateau était propulsé au charbon et non au mazout. Ça réduisait considérablement sa puissance. La faute en incombait aux Allemands qui détenaient le combustible et n'en délivraient que très peu aux Français. »

Serge et Mireille, deux adolescents natifs de Cahors

Josette Louradour, de Toulouse.

« À l'époque, j'habitais Route de Labéraudie à Cahors. Mes parents avaient deux grands amis qui étaient domiciliés dans le quartier Saint-Georges. Ils avaient deux enfants âgées de 10 et 15 ans qui s'appelaient Serge et Mireille Montchant. Tous deux rentraient d'Algérie à bord du Lamoricière avec tout un groupe d'enfants. Moi-même devais faire partie du groupe, mais au dernier moment, mes parents n'avaient pas voulu se séparer de nous. J'avais 15 ans. J'avais donc échappé à ce drame épouvantable, mais cette histoire ne m'a jamais quittée.

Après la mort de Serge et Mireille, M et Mme Montchant ont conservé des liens avec mes parents. Par la suite, ils leur ont fait passer un poème qui avait été rédigé en 1942 par une certaine Mademoiselle Storionne, 21 ans, élève de 2e année à l'école d'infirmière de Marseille. Ce poème était dédié à Mlles Horts et Reine, infirmières de la Croix Rouge qui ont péri en mer en service commandé, comme on disait alors.

Ce poème a traversé les années. Je l'ai toujours gardé auprès de moi. Il commence ainsi » :

« Lorsque le grand vaisseau qui avançait dans l'ombre

Vit s'ouvrir devant lui, béant, ce gouffre sombre,

De son flanc palpitant, secoué par les flots,

Il ne s'échappa pas une plainte, un sanglot.

Des passagers pressés sur le pont, anxieux,

Qui n'avaient sur les lèvres qu'un mot : « Mon Dieu ! »,

Se détachait un groupe emblème du courage

Qui donnait l'espoir à tout leur entourage.

Ce groupe, c'était eux, enfants aux mines fières

Qui, gardés sur le pont par deux infirmières,

Revenaient en France, leur patrie,

pour retrouver leur papa et leur maman chéris.

De ce pays là-bas où tout est lumière,

Ils s'en revenaient sur le Lamoricière.

Puis ce fut la tempête, et les heures sont lentes,

Quand l'idée de la mort vous hante...

Serge et Mireille avaient 10 et 15 ans et habitaient Cahors. Ils ont péri emportés par une lame.

Source La Dépêche du Midi

 

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D
<br /> <br /> En 1940, les machines du SS Lamoricière ont été converties au charbon. Le naufrage dont il a été la victime est dû à la mauvaise qualité du charbon sciemment produit en 1941 par la Cie des Mines<br /> de La Grand-Combe ;<br /> <br /> il en résultera un manque de puissance des machines dans la tempête. Filant 18 noeuds maximum, le SS Lamoricière n'en développera à peine 3 dans la tempête et ne pourra pas effectuer les<br /> manoeuvres d'urgence préconisées par son commandant.<br /> <br /> La Compagnie des Mines de La Grand Combe niera toujours sa responsabilité alors que les ouvriers et les ingénieurs responsables de la fabrication des légendaires briquettes de charbon frappées<br /> d'une ancre de marine, savent bien que c'est volontairement que la direction des Mines avait ordonné d'abaisser la proportion du charbon dans la composition de ses combustibles pour réaliser des<br /> économies. Un ingénieur parfaitement informé me l'a confié peu avant de mourir en 2011. De France scripsit.<br /> <br /> <br /> <br />
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D
<br /> <br /> Merci pour vos précisions.<br /> <br /> <br /> <br />